cône de la Trinité, fin 15° s., Novgorod, Russie |
Le dogme trinitaire était devenu d'une actualité brûlante à la fin du 14° siècle, du fait que l'hérésie des prêcheurs itinérants (stigolniki), concentrée à Novgorod à partir du 12° siècle, niait ce dogme.
À Byzance la Trinité était représentée le plus souvent par l'Hospitalité d'Abraham (Genèse 8, 1-33), sauf qu'à la place des trois hommes mentionnés dans le texte de l'Ancien Testament, on représente trois anges, seuls ou avec Abraham et Sarah.
L'auteur de l'icône ci-dessus, Andreï Roublev, a voulu éviter tout élément anecdotique et ne montre donc que trois anges assis autour de la table du festin. Ils sont, comme le préconisait l'esthétique byzantine traditionnelle, sans épaisseur, immobiles et impassibles. L'inclinaison de leur tête, le mouvement de leurs pieds et de leurs mains créent un lien subtil entre eux et les situent dans un cercle imaginaire. S'ils constituent ainsi une figure unique composée par trois personnages, comme c'est le cas pour la Trinité elle-même, ils ne communiquent pas entre eux. Silencieux, le regard dirigé au loin, ils sont plongés dans une profonde méditation dont l'objet est peut-être le mystère de l'Eucharistie. Car les gestes des anges désignent le centre de la table et le calice dans lequel se trouve une tête de veau. Or le veau dans l'Ancien Testament est considéré par les commentateurs chrétiens comme une préfiguration de l'agneau immolé, autrement dit l'Eucharistie.
Cette icône est marquée par une sorte de douceur, inconnue jusque-là dans le monde byzantin. Cependant Roublev ne fera pas école, il aura des élèves mais pas de continuateurs, même s'il influence les peintres russes des générations à venir.
Tania Velmans, directeur de recherche sur l'art byzantin au CNRS
in " Le style de l'icône - Les Balkans et la Russie"
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