6.10.12

"EIKON" ET "IMAGO" (ICÔNE ET IMAGE)



"Un à un sont allumés les visages aux racines millénaires de la forêt d'icônes"
Journal byzantin, trad. M. Bacelli, éd. Arfuyen, Paris

Icône byzantine Hodighitria, 13° s.,
Kastoria, Macédoine

L'écart est important qui sépare le terme grec eikôn du terme latin imago. Par eikôn le grec désigne ce qui se donne à voir ou est vu (appréhendé intellectuellement), tandis, qu'en schématisant, l'imago désigne, à l'origine, dans le monde romain, l'empreinte ou le modelage du portrait d'un défunt, et tient, comme dans le cas où elle désigne le reflet dans le miroir, le rôle de substitut de la présence du personnage, une sorte de double ou de sosie de celui-ci, alors qu'eikôn désigne dans le monde grec quelque chose qui se constitue dans une relation de ressemblance en même temps que de différence avec un modèle, permettant une connaissance de sa nature et non une substitution de sa présence et de ses fonctions.

Peinture funéraire 1°-2° s., av. J.-C.
al Fayoum, Éypte

Eikôn exprime donc une relation avec le modèle sans besoin d'une visibilité immédiate et intime, alors qu'imago représente un dédoublement neutre et extérieur au modèle. L'imago peut donc s'identifier à un tableau ou à une statue, tandis que l'eikôn demeure une simple dimension interne à la manifestation d'un être ou d'une chose, et naît  dans le regard qui contemple cet être et cherche à le définir.  
On peut ainsi mieux comprendre l'impossibilité pour les Latins d'accepter qu'une imago puisse désigner ce à quoi les Byzantins attribuaient les fonctions d'une icône. De là la nécessité de trouver un nouveau terme  icona, apparu au XIIème siècle, translittération latine du mot grec, proposée comme alternative plus adéquate que le terme classique d'imago.

Tania Velmans, spécialiste de l'art byzantin, chercheur au CNRS
in Les Icônes des origines à la Chute de Byzance, éd. Hazan

Aucun commentaire: