8.6.20

LE DIEU TRINE





Notre Dieu est un Dieu qui se désapproprie de Lui-même, qui ne se possède pas, qui ne se contemple pas, un Dieu pauvre.

Vous connaissez cette admirable légende proposée par la mythologie gréco-romaine : le mythe de Narcisse. Ce beau jeune homme épris de sa beauté, qui en cherche partout l'image sur les bronzes qui le peuvent refléter, ou sur les nappes d'eau où il peut retrouver sa beauté. Or un jour, en effet, il passe près d'un étang, et il voit ce visage adoré qui est le sien propre et, pour le joindre, il se précipite dans l'étang où il périt. Et sur son corps poussent les narcisses.
Cette légende nous montre que déjà l'antiquité gréco-romaine avait compris la stérilité d'un amour qui revient à soi, la stérilité d'un égoïsme qui s'idolâtre.
Et justement, pour faire surgir en nous une liberté totale à l'égard de cet égoïsme mortel, le Christ nous a révélé la Trinité Divine. La Trinité Divine, c'est le grand joyau de l'Évangile, c'est le grand secret d'amour, c'est la découverte la plus merveilleuse.
En effet, comme Dieu est unique, nous étions tentés de penser qu'Il était solitaire, qu'Il passait son éternité, si l'on peut dire, à se regarder Lui-même, à se louer, à s'admirer et à exiger de Ses créatures qu'elles Le louent et L'admirent. Dieu devenait, dans cette perspective, un cauchemar, Il devenait le Narcisse à l'échelle infinie, Il devenait un égoïsme qui s'idolâtre Lui-même ; et voilà que la Révélation de la Trinité dissipe à jamais ce cauchemar en nous apprenant que la Vie de Dieu, c'est une communion d'amour, que Dieu n'a de prise sur son être qu'en le communiquant, que Dieu ne se regarde jamais, parce que Son regard, c'est une Personne, c'est le Père qui regarde le Fils, c'est le Fils qui regarde le Père; et comme son Amour ne se replie jamais sur soi, c'est cette aspiration du Père et du Fils vers le Saint-Esprit qui respire que à son tour de tout Son Être vers le Père et le Fils, en sorte que notre Dieu, le vrai, vivant et éternel, est un Dieu qui se désapproprie de Lui-même, un Dieu qui ne se possède pas, un Dieu qui ne se contemple pas, un Dieu pauvre comme saint François l'a si profondément deviné et exprimé.
C'est ce Dieu-là qui est notre Dieu, non pas un Dieu qui nous surplombe, qui nous domine, qui nous écrase, et qui nous punit mais un Dieu qui se donne, qui est Dieu parce qu'Il se donne éternellement et dont le mystère créateur réside précisément dans ce don. 

Maurice Zundel, +1975, prêtre et théologien catholique suisse
Extrait de Trinité et Eucharistie 
seraphim-marc-elie.fr

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