2.6.11

DE LA CHAIR À L'ESPRIT



"La transfiguration du Christ"


Séraphim de Sarov (1759-1833) s'interroge: " Des passages de l'Écriture Sainte nous paraissent étranges aujourd'hui. Peut-on encore admettre que les hommes puissent voir Dieu si concrètement? Les anciens avaient une notion assez claire pour pouvoir parler entre eux des manifestations de Dieu aux hommes comme de choses connues de tous et nullement étranges".
Ces expériences surnaturelles sont l'anticipation de la transfiguration de l'être humain tout entier. La participation des sens en est l'élément le plus frappant. Il a toute sa place dans l'enseignement patristique. La grâce éprouvée, vécue, sentie comme douceur, paix, joie, lumière anticipe l'état du siècle futur. Saint Macaire parle du "divin senti". Ce n'est ni la suppression des sens déréglés par la chute, ni leur remplacement par un organe réceptif nouveau, mais leur transfiguration, sur-élévation à l'état normatif perdu et restitué. Le spirituel et le corporel sont intégrés ensemble à l'économie de l'Incarnation.
Pour une pareille perception les facultés naturelles sont insuffisantes, elles se spiritualisent et deviennent semblables à leur objet
"Celui qui participe à la lumière devient lui-même lumière" (Maxime le Confesseur).
"Vous aussi maintenant vous êtes devenu aussi lumineux que moi, sinon il ne vous serait pas possible de me voir..." (Saint Séraphin de Sarov à son disciple Nicolaï Motovilov, 1809-1879)
"Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'esprit est esprit" (Jean 3,6)
"Ceux qui en sont dignes reçoivent la grâce et perçoivent par les sens aussi bien que par l'intelligence ce qui est au-dessus de tout sens et de tout intellect" (Saint Augustin)

L'emploi liturgique du chant entendu, de l'icône contemplée, de l'encens respiré, de la matière des sacrements, reçue sensiblement ou consommée, permet de parler de la vue, de l'ouïe, de l'odorat, du goût liturgiques. Le culte sur-élève la matière à sa vraie dignité et destination, et fait comprendre qu'elle n'est pas une substance autonome mais fonction de l'esprit et véhicule du spirituel.

Paul Evdokimov, théologien orthodoxe, 1901-1970
in " Théologie de la Beauté: 
De l'expérience esthétique à l'expérience religieuse"

Aucun commentaire: