5.3.13

ET GREGOIRE DE NAZIANZE SE RETIRA…



Discours et écrits 4ème s., Anatolie


En ouvrant le récit biographique de Grégoire de Nazianze, le Dit de sa vie, j’ai cru y lire la vie de Joseph Ratzinger, de ses années à Ratisbonne, puis Munich, jusqu’à Rome. Plutôt que d’être rivés à l’actualité, prenons de la distance et tournons le regard vers le passé. Cela nous permettra d’éclairer prospectivement le présent de l’Eglise. Et aussi de vivre plus intérieurement la journée du 28 février.

Dans l’Eglise d’Orient, deux saints ont droit au titre de «théologien». Le premier est saint Jean, l’évangéliste ; le second est Grégoire de Nazianze (329-390). Après des études de philosophie à Athènes, Grégoire avait ressenti l’appel de la vie contemplative. Il n’était pas seulement d’une intelligence supérieure, il était aussi d’une grande humilité. La fonction de gouvernement, il le savait, équivaudrait à un martyre de patience, sinon plus, dans cette Eglise byzantine où l’hérésie arienne avait gagné à soi les représentants du pouvoir religieux et civil. Il accepta néanmoins la charge que lui confiait Basile le Grand.
Il devint évêque d’une modeste bourgade d’Anatolie, puis fut nommé évêque de Constantinople. La capitale impériale était alors sous domination arienne. La communauté fidèle à la foi de Nicée se réunissait alors dans la petite église de l’Anastasie. C’est là que Grégoire prononça la plupart des Discours théologiques. Sous son épiscopat, les divisions provoquées par l’hérésie arienne furent progressivement résorbées, si bien que c’est naturellement à lui que la direction du premier concile de Constantinople fut confiée.
Grégoire dut sursoir une nouvelle fois à son désir de recouvrer la vie de prière à laquelle il aspirait. Mais quand il se trouva en face des différents partis qui continuaient à déchirer l’Eglise de l’intérieur, fatigué et fragile de santé, il renonça à sa charge et démissionna du concile. Il quitta Constantinople et se retira à Nazianze. Il écrira là son chef d’œuvre, le Dit de sa vie, dont on croirait les dernières lignes écrites pour Benoît XVI.

«Je me retirerai en Dieu. Que la rumeur des langues, telle des vents inconsistants, glisse loin de moi. J’en ai eu, et plus que mon compte, moi qui fus atteint souvent par des injures, et souvent par des louanges extraordinaires. J’aspire à habiter un lieu désert exempt de maux, où je n’aurai que le divin à rechercher par mon seul esprit et dernier viatique de la vieillesse, à me nourrir du lait de la douce espérance.

Que donnerons-nous aux Églises ? Nos larmes. C’est à elle que Dieu m’a ramené, qui déroula le fil de ma vie à travers toutes ces péripéties. Où ira-t-elle ensuite ?  Dis-le moi, Dire de Dieu ! Ah ! qu’elle aboutisse à la demeure inébranlable,là où habite ma Trinité et sa splendeur unie,  d’où les ombres déjà nous élèvent en une vision encore voilée.»

Gregory Solari, essayiste et éditeur suisse
in La Croix, 23.02.2013

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