"Pères de l'Église"
époque des persécutions (1-3° s.) et empire chrétien (4-5° s.)
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L’idée qu’on puisse concilier conversion et culture traditionnelle avait déjà été défendue par les Apologistes *. La nouveauté du 4° siècle est dans l’inversion de la perspective : ce n’est plus, de la part des chrétiens, apologie de la conversion, mais apologie de la paideia ( = éducation des enfants), c’est-à-dire sa justification et son intégration à titre de propédeutique de la conversion. Même si le rejet et le mépris n’ont jamais totalement disparu, c’est ce parti de conciliation qui a fini par prévaloir. Il a fondé notre culture. Outre le prestige de la culture classique, encore bien vivant – et maintenu vivant par l’école –, jusqu’à l’extrême fin de l’Antiquité (4° siècle), et le fait qu’on ne se débarrasse pas facilement de quelque chose qui avait occupé si longtemps tant de place, j’y vois deux raisons principales :
À quelques individus la foi seule peut suffire, jusqu’à tenir lieu de boire et manger. Mais une société entière ne peut se passer de culture, de ce que Dorothée de Gaza, au 6°siècle, appelle « la paideia du dehors », c’est-à-dire profane. Les écoles continuent, la vie quotidienne continue et, puisque la fin des temps ne semble plus si proche, il faut pourvoir à ces besoins.
Les Pères du 4° siècle et leurs successeurs, la plupart des évêques et des autres cadres de l’Église sont issus de la paideia, même ceux qui tonnent contre elle. Mieux, ils ont été tentés de faire le métier d’y former les jeunes gens, et parfois ont réellement exercé ce métier : Basile de Césarée et son frère Grégoire de Nysse, fils d’un sophiste et formés par lui, furent un temps sophistes ; Grégoire de Nazianze fut un élève enthousiaste et brillant ; Jean Chrysostome, dont la maîtrise de la techné rhetoriké est évidente, garda bon souvenir de son professeur païen ; Sévère d’Antioche fut envoyé à Alexandrie pour étudier la grammaire et la rhétorique, tant grecques que latines ; il en fut de même pour Grégoire le thaumaturge; au 6°siècle, encore, Dosithée appliqua à l’étude des lettres la même passion qu’il devait ensuite consacrer à sa foi. Ne voyons ici aucun paradoxe : il n’y avait qu’une seule culture dans tout l’empire et, puisque les grands auteurs chrétiens étaient forcément des hommes cultivés, ils étaient nécessairement passés par là.
Pierre-Louis Malosse
Maître de conférences HDR de grec,
Université Paul Valéry - Montpellier 3
in : Conversion et culture dans le monde grec du IVe siècle ap. J.-C., en ligne
* Parmi les adhérents quelque peu instruits du Christianisme, certains se donnèrent pour mission de le défendre devant l'autorité romaine et l'opinion publique. Ils ont reçu le nom d'apologistes.
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