.jpg) |
Du "dhikr" musulman à l'hésychasme byzantin |
Les luttes militaires qui opposèrent si longtemps la Croix et le Croissant, et qui se reflètent encore aujourd'hui dans de nombreux textes liturgiques byzantins, ne furent pas les seules voies de contact entre l'islam et la chrétienté orientale au Moyen-Âge. De saint Jean de Damas (8ème siècle) à l'empereur Jean Cantacuzène (14ème siècle), les polémistes grecs s'acharnèrent à réfuter l'islam. Les empereurs du 8ème siècle - ceux-là mêmes qui remportèrent sur les Arabes les victoires décisives - furent attirés par certains aspects de la civilisation arabe: s'ils provoquèrent ainsi la grande crise iconoclaste, ils établirent, directement ou indirectement, des liens culturels durables entre Bagdad et Constantinople. D'éminents prélats et savants byzantins - Photius, Constantin le Philosophe, Nicolas le Mysticos - furent en rapport avec des érudits musulmans.
Dans le domaine même de la spiritualité et de la mystique, une certaine interpénétration entre le dhikr musulman - technique liant la mention constante du Nom divin à la respiration - et l'hésychasme orthodoxe des 13ème-14ème siècles apparaît comme probable. Il est à noter cependant que l'influence de la philosophie arabe sur la pensée byzantine fut à peu près nulle: les Byzantins, en effet, avaient toujours eu un accès direct à Aristote et n'eurent jamais à le découvrir à travers les traductions et les commentateurs arabes.
Tous ces éléments de connaissance mutuelle préparèrent indiscutablement la survivance du christianisme sous le joug turc.
Toutefois, beaucoup de Byzantins éminents, durant les dernières années de l'Empire, prévoyaient la possibilité de sa chute...
(À suivre)
Jean Meyendorff, 1926-1992, prêtre orthodoxe, écrivain
professeur au Saint Vladimir Seminary, New York,
in L'Église orthodoxe hier et aujourd'hui, éd. Seuil
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire