25.1.12

LA MATIÈRE, MOYEN DE CONTEMPLATION DIVINE



Moïse devant le buisson ardent
    où se révèlent  l'ange Gabriel et la Vierge, 
     les deux personnages de l'Annonciation 
  icône du 13è. s., monastère Ste- Catherine
                                                   
Dans la langue hébraïque "créer" se dit bara; dans la Bible ce verbe est réservé à Dieu seul, il désigne un mode d'agir proprement divin, sa création est à l'opposé de tout ce qui est fabriqué ou construit. Dieu crée et ensuite soutient, porte sa créature et pour cela intervient sans cesse dans l'histoire. Chaque parcelle de ce monde est l'oeuvre de Dieu. 
Que tes oeuvres sont nombreuses, Yahweh! Tu les as toutes faites avec sagesse; La terre est remplie de tes biens. Ps. 104, 24
Langue des bergers et des paysans, essentiellement concrète, l'hébreu nomme ce qui existe et ne se préoccupe d'aucune matière abstraite, il s'oppose radicalement à toute abstraction philosophique et a les mots abstraits en horreur. Poétique, l'hébreu se prête admirablement à la narration épique. Il a le sens et l'amour de la nature, du charnel. 
Créé par la parole de Dieu, le sensible a son principe dans le Verbe (Jean 1, 1; Héb. 1, 9), il ne s'oppose nullement à l'intelligible, bien plus, il est "naturellement" intelligible. Le sensible est un langage (Gen. 2, 19) sans aucune opacité pour l'esprit, ce qui rend impossible l'idée d'une matière qui irait contre l'esprit. La Bible libère de tout complexe de culpabilité envers le sensible. La chute survient dans le monde des purs esprits, le mal ne vient donc pas de la matière, mais c'est l'esprit qui la profane en en faisant des idoles.
Les éléments du monde sont les lettres du dialogue imagé entre Yahvé et Israël: ainsi la lumière et le feu, l'eau, l'huile, le sel, le vin, le blé et le pain , la pierre, le rocher, même la poussière et la cendre. ces éléments deviendront la matière cosmique de la liturgie chrétienne et le Christ dira  Je suis le pain de vie. 
Ainsi, dans l'univers biblique, si le sensible offre à l'homme ses couleurs, ses images et son langage, c'est sans jamais amoindrir sa propre valeur de temple, de liturgie cosmique, il est un  moyen de contemplation divine. 

Paul Evdokimov, 1901-1970, théologien orthodoxe
in  L'art de l'icône - Le sacré, éd. Desclée de Brouwer

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