22.7.12

HAGIA SOPHIA - LA SAINTE SAGESSE





Vue de la mer, Sainte-Sophie est close comme un secret. Le regard de l'esprit annule facilement les minarets; la retombée soigneuse de la coupole n'est que le revers d'une présence. De près, l'impression se confirme: Sainte-Sophie se dérobe, cache ses volumes, ne se met jamais en façade. Elle est trop vaste pour que l'oeil la capte entière. Cet "en-dehors" ne veut pas exister pour lui-même, il ne cherche pas l'honnête équilibre de l'intérieur et de l'extérieur que réalisent tant de nobles églises byzantines ou romanes. Il ne veut être, on le sent avec un tressaillement du coeur, que l'expression presque contrainte d'un "en-dedans", il appel à l'intériorité.
Au fond, sur le tympan d'un porche intérieur, une mosaïque se précise dans la pénombre: l'Enfant solaire, dans la nuit bleue du manteau maternel.
La Sagesse de Dieu à laquelle fut dédiée cette église - car Sainte-Sophie ne veut rien dire d'autre -, c'est cet Enfant qui semble concentrer, presque douloureusement, toute la lumière du monde. Sagesse de Dieu, folie du Dieu Vivant.
Autant l'extérieur se dérobe, autant l'intérieur s'offre soudain. Total, immédiat.
Non pas un arrière-monde tapi dans la pénombre, mais le monde transfiguré. Ici, Dieu et l'homme, le ciel et la terre, ne sont plus séparés. La ronde, la céleste bénédiction de la coupole s'unit à la nef terrestre et l'illumine doucement. C'est immense et léger, clair et plein à la fois. La regarder [la coupole] concentre et dilate à la fois, fait éclore le ciel intérieur du coeur. Hauteur et profondeur se correspondent.


Olivier Clément, 1921-2009, théologien orthodoxe
in "Le Pèlerin immobile", éd. Anne Sigier

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