Fresque "Guérison du paralytique",3ème s., "maison des chrétiens", Doura-Europos, Syrie |
Qu'il y ait des lieux saints pour le christianisme ne va pas de soi, puisqu’il existe tout un enseignement, depuis les évangiles, pour contester la possibilité même qu’il existe des lieux privilégiés de la relation à Dieu. Une certaine tradition chrétienne enseigne un « désenchantement du monde » qui aboutit à une totale intériorisation et humanisation du fait religieux. Cependant, dès avant le ive siècle, certains lieux de mémoire acquièrent une valeur particulière. Les uns sont ce qui deviendra les « lieux saints de Palestine », les lieux marqués par la présence terrestre de Jésus ; les autres sont les lieux associés aux martyrs, en général leur tombe, plus rarement – et souvent plus tardivement – le lieu de leur supplice.
La construction d’édifices de culte sur ces lieux
saints de Palestine par Constantin a introduit une nouvelle approche de la
sainteté du lieu. À la mémoire s’ajoute une qualité spécifique au lieu « imprégné » par le saint qui l’a fréquenté. Pour Cyrille de Jérusalem, ces lieux avaient
gagné une qualité inhérente de sainteté à travers cette association
divine à l’époque de l’incarnation. « Pour ceux qui ont la foi, elles ont une certaine puissance
spirituelle, ou même une signification
sacramentelle, en tant que lieux que Dieu peut utiliser pour transmettre un
sens spécial de sa présence ; ces “lieux saints” étaient en soi des médiums appropriés de la foi, des endroits où le divin avait touché l’humain, le physique, des endroits où à travers les moyens matériels du toucher, de la vue et de l’action liturgique, les êtres
humains pouvaient maintenant redevenir proches du divin »
Ce caractère inhérent de la sainteté et du lieu est affirmé par Constantin à propos du Golgotha, comme le
fait remarquer le même auteur ; lorsqu’il écrit à l’évêque Macarios, l’empereur parle d’un lieu saint aux yeux de Dieu depuis le commencement, et
devenu plus saint encore. La sainteté de ces lieux est source de
miracles, elle inspire des pèlerinages. Les lieux de culte
construits dépendent de la sainteté des emplacements où ils sont construits ; ils s’inscrivent ainsi eux aussi dans la géographie du sacré.
Les lieux de culte chrétiens
et le sacré dans l’Antiquité
tardive
Claire Sotinel
in Revue de l'Histoire des
Religions, avril 2005, en ligne
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