30.1.11

L'ART DES ICONOGRAPHES NE CHERCHE PAS LA PERFECTION



Theotokos "Parakleksis" 
(de l'intercession et de la supplication), 
Constantinople


Dans sa valeur propre de symbole, l'icône dépasse l'art, mais l'explique aussi. Nous pouvons admirer sans réserve les œuvres des grands Maîtres de tous les siècles et en faire le sommet de l'Art. L'icône se tiendra un peu à part, comme la Bible se placera au-dessus de la littérature et de la poésie universelles. Sauf quelques exceptions, l'art tout court sera toujours formellement plus parfait que l'art des iconographes car ce dernier, justement, ne cherche pas cette perfection. Son excès même nuirait à l'icône, risquerait de décentrer le regard intérieur de la révélation du Mystère, comme une poésie excessive et recherchée nuirait à la puissance de la parole biblique. La beauté d'une icône est dans un équilibre hiérarchique d'une extrême exigence. Au-dessous d'une certaine limite et immédiatement, ce n'est plus qu'un simple dessin; au-dessus et suivant le génie contemplatif de l'iconographe, l'icône elle-même impose et rayonne la stricte beauté conforme à son sujet.

Paul Evdokimov, 1901-1970, théologien orthodoxe
in "L'art Moderne ou la Sophia Désaffectée" en ligne

28.1.11

L'ICÔNE, EXPRESSION ARTISTIQUE



Mère de Dieu Hodighitria, 
Tbilissi, Géorgie



Aujourd’hui le thème „icône“ évoque immanquablement un panneau de bois peint, parfois partiellement revêtu d’argent. Sous le Moyen Empire byzantin (10°-12°s.), cependant, les icônes ne sont pas nécessairement en bois. On en trouve, par exemple, en bronze, en argent, en ivoire, en stéatite (poudre de calcaire compressé), en émail ou en marbre. Certaines comportent même des plaques de couleur. Les icônes sont en outre souvent ornées de pierres précieuses. Différents matériaux sont parfois associés. Les panneaux en bois ne deviennent prédominants qu’à partir du 13°siècle. Il ne faut pas non plus oublier que le terme grec εἰκών (eikon) sert à désigner n’importe quelle image, y compris les peintures murales et les mosaïques.

Panayotis L. Vocotopoulos, professeur d’art byzantin, université d’Athènes
in " Fonction et typologie des icônes "

25.1.11

PORTÉE SPIRITUELLE DE L'ART SACRÉ



Vierge du Signe, 17°s.


La théologie occidentale a, dès ses origines, manifesté une certaine indifférence dogmatique à la portée spirituelle de l'art sacré, à cette iconographie qui malgré son long martyrologe est tellement vénérée en Orient. Toutefois, providentiellement, l'art occidental fut en retard sur la pensée théologique et jusqu'au 12e siècle il demeure fidèle à la tradition commune tant en Orient qu'en Occident. Cette tradition unique vit pleinement dans le magnifique art roman, dans le miracle de la cathédrale de Chartres, dans la peinture italienne qui cultive encore la "maniera bizantina".
Mais à partir du 13e siècle la facticité optique, la perspective, la profondeur, le jeu du clair-obscur, le trompe-l'œil sont introduits. Si l'art devient plus raffiné, il est moins porté à la saisie directe du transcendant. En rompant avec les canons de la tradition, l'art n'est plus intégré au mystère liturgique. De plus en plus autonome et subjectif, il quitte sa «biosphère» céleste. Les vêtements des saints ne font plus sentir sous leurs plis les "corps spirituels" et même les anges apparaissent comme des êtres faits de chair et de sang. Les personnages sacrés se comportent exactement comme tout le monde, sont habillés et placés dans l'ambiance contemporaine à l'artiste. Encore un pas et le récit biblique, l'événement miraculeux n'est plus qu'une occasion pour exécuter savamment un portrait, une anatomie, un paysage.

Paul Evdokimov, 1901-1970, théologien orthodoxe
in "L'art Moderne ou la Sophia Désaffectée" en ligne

23.1.11

L'ICONOGRAPHIE MELKITE


Icône melkite des Laudes, 18°s., Syrie


Les icônes arabes sont dites icônes "melkites" parce qu’elles étaient peintes par des artisans arabes appartenant à l'Eglise catholique grecque du même nom.  Ces iconographes suivaient la tradition byzantine ou grecque tout en y ajoutant des éléments de l’Islam.
C’est sans doute sur les modèles d’icônes importées au Moyen-Orient en Syrie, au Liban et en Palestine par les patriarches et pèlerins grecs, byzantins et russes que les artistes melkites acquirent leur savoir-faire. Mais en prenant de la maturité, ils se mirent bientôt à exprimer leur propre goût et leur propre sensibilité. Ainsi tous les visages peints par les artistes melkites ont le teint basané arabe, leur ovale de visage est plus doux que celui des icônes byzantines, les corps plus pleins et plus arrondis. De plus les costumes arabes, les meubles et les objets du ménage quotidien forment un contraste frappant avec la rigueur byzantine. Les œuvres melkites primitives se caractérisent par la somptuosité de la décoration directement empruntée à l’art islamique, tels les entrelacs brossés des cuivres, les tapis persans, les brocarts et panneaux de bois damassé que l’on retrouve aussi sur les icônes. La surface de l’icône est souvent couverte d'un éparpillement de dessins géométriques, floraux et végétaux. Jusqu’aux dédicaces qui revêtent une tournure littéraire fleurie typiquement arabe. Cette influence perdura abondamment jusqu’à la fin du 18° siècle.

Karen Lewis, Miami University of Ohio
in "Saudi Aramco World" 1971 edition
Traduit de l'américain

20.1.11

PLUIE INCESSANTE DE LA GRÂCE



Icône de l'Ascension, 14°s., Novgorod, Russie


Tous les aspects d’un seul mystère du salut rayonnent du contenu très dense des icônes.
Il faut rester dans un recueillement silencieux avant qu’une icône commence à parler. Il faut s’abandonner à sa grâce qui conduit progressivement au cœur de son message.
L’icône de l'Ascension est une merveille d’harmonie où chaque détail a son sens. De son ensemble se dégage et s’impose un grave accord musical. C’est l’Église sous la pluie incessante de la grâce. Le Christ est la tête de l’Église, la Théotokos sa figure, les apôtres ses fondements.
Après l'Ascension, la présence du Christ s'intériorise et il devient présent dans l'Esprit et l'Eucharistie. La Théotokos occupe la place centrale. Elle se détache sur l'arrière-fond de la blancheur angélique. Elle est le centre où convergent les mondes angélique et humain, la terre et le ciel. Son attitude est double: "orante", face à Dieu, elle est celle qui intercède, et "très pure", face au monde, elle est la sainteté de l'Église.

Paul Evdokimov, 1901-1970, théologien orthodoxe
in "Théologie de la vision"

14.1.11

MARIE, CONSOLATION VIVIFIANTE






„Le seul nom de la Théotokos, Mère de Dieu, contient tout le mystère de l’économie du salut“, dit saint Jean Damascène. L’analogie entre Ève, Marie et l’Église remonte à saint Irénée et depuis, pour les Pères, Marie est la Femme ennemie du Serpent, la Femme habillée de Soleil, l’image de la Sagesse de Dieu. Si l’Esprit Saint personnalise la sainteté divine, la Vierge personnalise la sainteté humaine. Liée dans son être même à l’Esprit Saint, Marie apparaît ainsi consolation vivifiante. Nouvelle Ève-Vie qui sauvegarde et protège toute créature et s’érige ainsi en figure de l’Église dans sa protection maternelle.

Paul Evdokimov, 1901-1970, théologien orthodoxe
in « Théologie de la Beauté»

10.1.11

L'ICÔNE DE POKROV (AGIA SKEPI)



Icône de Pokrov, 18-19°s., Russie


Depuis le concile d’Ephèse (431) l’Église n’a cessé de proclamer l’étroite relation existant entre la maternité divine de Marie et son rôle d’aide en tant que mère des chrétiens. Le thème de Pokrov repose donc sur une longue tradition chrétienne. Le voile figure un toit traversant le ciel et protégeant l’assemblée. C’est le maforion protecteur qui représente la puissance de protection de la Vierge. Il est à la fois symbole et réalité.
Le geste de couvrir quelqu’un de son propre manteau était, en orient comme en occident, un geste naturel de protection indépendant de toute convention sociale. A Byzance et en Russie l’adoption s’exprimait en couvrant l’adopté de son manteau. Et lorsque saint Bonaventure, défenseur de la dévotion mariale, fonda vers 1270 la fraternité des Frères Mineurs franciscains, il prescrivit de représenter les frères sous les plis du manteau de la Vierge (pallium). Dès lors cette représentation s’est diffusée dans l’art occidental. Marie est le refuge de toute l’humanité, pour laquelle elle ne cesse d’intercéder. Le maforion byzantin du 10°siècle (1), a pu évoluer en un ample manteau solennel. Ainsi la même idée de protection est exprimée par ces symboles très voisins et profondément humains: skepê, pokrov (voile protecteur), maforion, pallium (manteau),  tous rendent présente une réalité très chrétienne puisqu’elle surgit du cœur des baptisés.

Cité par http://www.mariaoggi.it/, en ligne
traduit de l'italien

(1) L’iconographie de l’icône de Pokrov remonte à un miracle survenu à Constantinople au dixième siècle en l'église des Blachernes. Chaque vendredi se tenait la cérémonie rituelle au cours de laquelle on soulevait le voile couvrant la statue de la mère de Dieu. Lors de l’une de ces célébrations, St. André vit Marie se mettre en prière en étendant son manteau sur l’assemblée en signe de protection du peuple et de la ville contre l’attaque ennemie. L’iconographie qui commémore ce miracle a commencé au 12°siècle à proliférer dans les ateliers de Russie. La commémoration de l'évènement est célébrée le 1er octobre en Russie, le 28 octobre en Grèce, et représente la fête la plus importante après les Douze Grandes Fêtes liturgiques.

Cité dans Wikipedia, en ligne
traduit de l'anglais

7.1.11

LA THEOTOKOS, ICÔNE DE L'INCARNATION



Icône de Pskov, Russie, 16°s.
Saint Luc peignant la Theotokos


L'Eglise orthodoxe ne dissocie jamais Marie, la Vierge immaculée, de son Fils Jésus. L'icône de la Vierge tenant entre ses bras Jésus enfant ne se présente jamais comme une icône de la Vierge, mais bien comme celle de l'Incarnation du Fils unique de Dieu, c'est la communion du divin et de l'humain qui s'effectue en Marie.
Cette communion du divin et de l'humain s'effectue aussi dans l'Eglise, lieu de la participation de Dieu à la construction d'un monde nouveau qui sera parachevé dans le Royaume. De la même manière que Marie a engendré dans son humanité le Fils unique de Dieu, de la même manière l'Eglise engendre, au coeur de l'humanité même, l'humanité nouvelle des fils de Dieu. C'est pourquoi l'Eglise apparaît comme la Theotokos prolongée : elle est la génératrice mystique des enfants de Dieu, tout comme Marie fut la génératrice physique du Fils unique. Dans les premiers siècles de l'histoire de l'Eglise universelle, les questions théologiques ont d'abord porté sur la personne même du Christ ; c'est d'ailleurs dans le cadre du dogme des deux natures dans le Christ qu'a été précisé le dogme de la Théotokos, de la Mère de Dieu , lors du concile oecuménique Éphèse A partir de là, la tradition patristique prendra Marie elle-même comme objet de sa méditation, en utilisant l'interprétation allégorique de la Bible, pour comparer, par exemple, Marie à Ève, Marie étant la nouvelle Ève, de même que Jésus était perçu comme le nouvel Adam : Marie est celle qui engendre une nouvelle génération humaine. Et l'insistance sur la virginité perpétuelle de la Vierge Mère souligne également cet aspect d'une nouvelle créature.

Orthodoxie- en ligne
La spiritualité envers Marie